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Analyse Youtube 1 - De la destruction volontaire d'objets en boutiques

Le 06 février 2019
Analyse Youtube 1 - De la destruction volontaire d'objets en boutiques
Analyse juridique de la destruction volontaire de marchandises en boutique / Pouvoirs des agents de sécurité / Qualification pénale de la destruction de biens

En 2016, une vidéo diffusée sur YOUTUBE soulevait une nouvelle fois la polémique en présentant un homme écrasant à coup de boule de pétanque quasiment tous les smartphones d'un magasin spécialisé, devant une assemblée médusée.

La fameuse vidéo ici.

Nous fûmes contactés dans la foulée, par un responsable de la sécurité qui s'interrogeait sur l'interprétation juridique à donner à ces faits, avec une question finale : Les agents de sécurité peuvent-ils l'interpeller ?

"Seule la police peut arrêter quelqu'un" - La fausse légende :

Pourquoi cette légende ? Car on cite trop souvent de façon parcellaire l'article 224-1 alinéa 1 du Code pénal qui prévoit : "Le fait, sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi, d'arrêter, d'enlever, de détenir ou de séquestrer une personne, est puni de vingt ans de réclusion criminelle. "

Or, l'article 73 du Code de procèdure pénale prévoit la possibilité d'interpeller pour tout un chacun l'auteur d'un crime ou d'un délit flagrant (c'est à dire pour des infractions valant une peine d'emprisonnement et pas simplement une amende), le texte impose simplement une remise de la personne interpellée sous les plus brefs délais aux forces de l'ordre.

En somme, vous pouvez arrêter quelqu'un qui conduit en excès de vitesse et en état d'ivresse, mais pas quelqu'un qui se gare sur une place de stationnement génant.

Or, nous ne sommes pas tous des juristes et nous ne pouvons tout analyser dans une situation dangereuse. Le juge a donc validé des interpellations pour des faits qui se sont révélés par la suite bénins. On peut citer l'exemple d'une bagarre de rue où les protagonistes sont interpelés rapidement, il s'avére à l'examen médical que les coups n'ont pas provoqués de blessures, ces coups seront donc in fine qualifiés de contravention.

Donc oui, en l'occurence les agents de sécurité peuvent appréhender une personne en train de commettre une infraction sauf si il est évident qu'il s'agit d'une contravention.

D'accord, mais dans cette vidéo, détruire un smartphone est-ce un délit ou une contravention ?

Deux textes s'affrontent, d'une part une contravention en cas de dommage léger, prévue à l'article R635-1 du Code pénal : « La destruction, la dégradation ou la détérioration volontaire d’un bien appartenant à autrui dont il n’est résulté qu’un dommage léger est punie d’une amende pour les contraventions de 5e classe ». D'autre part, les dommages graves qui sont sanctionnées à l'article 322-1 du Code pénal en tant que délit :« La destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, sauf s'il n'en est résulté qu'un dommage léger ».

Comment choisir ? Ce seront les juges qui exercent une appréciation souveraine, mais la jurisprudence montre que la qualification entre dégradation légère et grave est faite en fonction de l'usage "survivant de l'objet", est-il encore utilisable ensuite ? 

Or, dans la vidéo ce n'est pas une simple rayure, ni mettre un auto-collant sur la vitrine pour protester contre telle ou telle chose. L'acte aboutit à la destruction totale du smartphone qui devient impropre à la commercialisation et à l'usage. 

Nous serions donc sur la qualification de l'article 322-1 du Code pénal, l'article 73 du CPP trouverait donc à s’appliquer.

Avertissement sans frais - Mais pourquoi une telle frilosité des agents ?

La contrainte exercée sur une personne dans le cadre de l'article 73 du Code de procédure pénale doit être strictement proportionnée à la résistance opposée par cette personne. Dès lors, si l'auteur ne résiste pas ou ne frappe pas, une interpellation musclée de l'agent  de sécurité sera sanctionnée et seule une résistance extrême justifiera une forme de violence. Qui plus est, les juges ont tendance à placer l'intégrité corporelle au dessus de la protection des biens. Prudence donc. 

Pour conclure,

Votre boutique est victime de tels faits ? Vous êtes accusé de tels faits ? Notre cabinet est à votre disposition pour toute action ou information.